Dans le cadre de leur projet Innovation & Entrepreneuriat de dernière année du cycle ingénieur, une équipe d’apprenants a travaillé sur la conception d’une solution de recyclage des poches ostréicoles avec l’association rochelaise Echo-Mer.
Nous avons rencontré Corentin ROMAND de la promotion 2023 afin d’en savoir un peu plus sur ce projet.
Corentin, quelle est la problématique liée aux poches ostréicoles ?
Les poches ostréicoles sont faites de polyéthylène haute densité (PEHD), un plastique très fréquemment utilisé pour sa résistance mécanique importante. Au rythme des tempêtes, ou lors des grandes marées, des résidus de ces outils plastiques ostréicoles s’échouent sur les plages.
L’association rochelaise Echo-Mer qui travaille pour réduire les impacts engendrés par l’Homme sur la nature, a choisi d’agir sur la revalorisation de ces poches. Echo-Mer ne peut agir que de manière artisanale.
Or, aujourd’hui, on estime que plus de 100 tonnes de poches ostréicoles arrivent en fin de vie chaque année uniquement dans le bassin de la Charente-Maritime. Une poche ostréicole a une durée de vie estimée entre 5 et 15 ans en fonction de son utilisation. La fin de vie est atteinte quand la résistance mécanique de la poche ne convient plus à l’ostréiculteur. Elles sont alors souvent stockées dans les concessions ostréicoles (pour des questions de coût de mise en décharge). Notre projet portait sur la réflexion autour d’une solution industrielle de recyclage.
Mieux comprendre le déchet afin de proposer la solution de recyclage adaptée
Nous avons consacré notre projet à la caractérisation mécanique du plastique. Les filières de recyclage du PEHD étant bien développées, nous pensions au tout début du projet qu’une simple caractérisation mécanique du plastique suffirait.
Or nous avons constaté que ces plastiques étaient de véritables éponges à polluants. Le séjour prolongé des poches ostréicoles dans un milieu marin, souvent pollué aux hydrocarbures (activités maritimes) et aux pesticides (agriculture), engendre une potentielle pollution du plastique. Celui-ci contient donc hypothétiquement des polluants organiques persistants, souvent qualifiés de cancérigènes ou encore de perturbateurs endocriniens.
Cette pollution complexifie grandement le recyclage car il est compliqué d’éliminer les polluants, même en utilisant des procédés de montée en température.
Notre travail principal s’est donc porté sur l’évaluation des caractéristiques mécaniques et environnementales de ce plastique ostréicole. Deux préalables nécessaires avant de trouver une filière de recyclage adaptée.
Le projet nous a permis de travailler en partenariat avec le Lycée Marcel Dassault de Rochefort et La Rochelle Université
Pour avancer sur la caractérisation mécanique nous avons réalisé des éprouvettes de traction en bénéficiant des équipements du lycée Marcel Dassault. Nous avons utilisé différentes compositions en plastique ostréicole neuf et en plastique ostréicole usagé. Il s’agit de petites pièces de plastique, de même tailles et de même formes.
Une fois cette première étape effectuée, nous sommes passés à la phase de test. Les échantillons ont pris la direction des machines de traction de La Rochelle Université pour l’étape de l’évaluation fine des caractéristiques mécaniques des éprouvettes réalisées.
Ces essais ont permis de montrer qu’un plastique 50% recyclé et 50% neuf permettait d’atteindre des caractéristiques mécaniques très acceptables ce qui est très encourageant. Toutefois, nous avons constaté que les résultats sont très hétérogènes du fait de la présence d’impuretés dans le plastique. Le nettoyage des poches ostréicoles avant leur recyclage est donc un facteur important de la qualité de la matière plastique.
Parallèlement à l’étape de caractérisation mécanique, nous avons initié l’étude permettant de déterminer les pollutions présentes dans les plastiques. En effet, il n’existe pas à notre connaissance de travaux scientifiques préalables sur le sujet.
Déterminer la nature des polluants via lixiviation
Des analyses ont donc été nécessaires afin de déterminer les pollutions présentes dans les plastiques. Nous avons travaillé en collaboration avec le laboratoire d’analyse Qualyse. Après des recherches sur les façons d’analyser les polluants sur un plastique, nous avons fait le choix de la lixiviation. Pour faire simple, la technique de la lixiviation consiste à tremper un échantillon (dans notre cas le plastique ostréicole) dans un milieu liquide (de l’eau déminéralisée) pendant une longue durée (2 mois) afin de laisser le temps au milieu de capter les polluants présents sur l’échantillon. Cette méthode permet également de simuler le comportement d’un plastique recyclé d’origine ostréicole utilisé dans un milieu aquatique.
Ces analyses porteront sur une poche ostréicole brute arrivant en fin de vie, et sur un granulé de plastique ostréicole composé de 100% de plastique recyclé. Elles permettront d’analyser les polluants captés, mais également les micro plastiques libérés par le plastique ostréicole. En effet, en étant exposé à l’environnement (eau de mer, pluie, soleil, etc.), le plastique se fragmente et libère des particules de l’ordre du micromètre voire nanomètre.
Nos analyses évalueront donc les émissions de micro plastiques provenant du plastique ostréicole. Résultats dans deux mois.
Quelle suite sera donnée à votre projet de recyclage des poches ostréicoles ?
La lixiviation étant en cours de réalisation, les résultats permettront de déterminer l’exutoire (la solution) le plus adapté. Ainsi, la pyrolyse (chauffe à haute température en absence d’oxygène pour éviter la combustion), le recyclage en différentes applications plus ou moins sensibles seront sélectionnés suivant les résultats obtenus. L’incinération ou l’enfouissement devront être utilisés en tout dernier recours.
Le projet a essayé d’évaluer les différents paramètres de nettoyage des poches ostréicoles. Cette évaluation pourra être plus approfondie en déterminant des indicateurs de nettoyage adaptés.
Notre projet portait également sur l’évaluation du processus de recyclage d’un point de vue environnemental et économique. Cette évaluation est pour le moment théorique, mais sera affinée une fois la sélection de l’industriel recycleur réalisée.
Enfin, un travail de sensibilisation des ostréiculteurs sur le stockage des poches ostréicoles a également été initié. Le stockage soigné (abrité de l’environnement, dépourvu d’impuretés) de ces poches permettrait un recyclage beaucoup plus homogène et donc moins onéreux.